Catalogue des blessures   



Catalogue des blessures

 




« Râles, plaintes, gémissements, sanglots, cris et hurlements, le chant des blessés de l’île Lobeau n’avait rien de nostalgique. Les infirmiers qui n’avaient plus de sentiments, habillés d’uniformes aux éléments dépareillés, chassaient avec des palmes les essaims de mouches qui se fixaient sur les plaies. Son long tablier et ses avant-bras dégoulinant de sang, le docteur Percy avait perdu sa bonhomie. Sans relâche, dans la hutte de branchages et de roseaux baptisée ambulance, ses assistants posaient sur la table qu’ils avaient récupérée des soldats nus et presque morts. Les aides que le docteur avait obtenus grâce à ses coups de gueule, pour la plupart, n’avaient jamais étudié la chirurgie, alors, parce qu’il ne pouvait suffire seul aux soins de tant d’estropiés et de tant de blessures diverses. Il indiquait, sur les corps que tordait la douleur, à la craie, l’endroit où il fallait scier ; et les assistants de fortune sciaient, ils entamaient l’os à vif ; leur patient défaillait et arrêtait de remuer.




Beaucoup succombaient ainsi d’un arrêt du coeur ou se vidaient de leur sang, une artère sectionnée par malheur. Le docteur criait : « Crétins ! Vous n’avez jamais découpé un poulet ? ». Chaque opération ne devait pas excéder vingt secondes. Il y en avait trop à assumer. Ensuite, on jetait le bras ou la jambe sur un tas de jambes et de bras. Les infirmiers d’occasion en plaisantaient pour ne pas vomir ou tourner de l’oeil : « Encore un gigot ! » clamaient-ils à voix haute en lançant les membres qu’ils avaient amputés. Percy se réservait les cas difficiles, il tentait de recoller, de cautériser, d’éviter l’amputation, de soulager, mais comment, avec ces moyens indécents ? Dès qu’il en avait la possibilité, il en profitait pour instruire les plus éveillés de ses infirmiers. »


Roman de

Patrick Rambaud : « La bataille ». 


D'après la légende, l'origine du Corps de Santé Militaire remonterait à la guerre de Troie, en effet Podalyre et Machaon, fils d'Esculape y auraient déjà traité les blessés.

Il faut attendre le règne du Roi Louis XIV pour voir des praticiens dotés d'un uniforme particulier et assurant le fonctionnement d’hôpitaux spécialement destinés à l'usage des troupes dont la création remonte à 1629. Les guerres de siège du Roi Soleil nécessitèrent l'installation d'hôpitaux provisoires à proximité‚ des lieux de combats, nous trouvons là les ancêtres des ambulances de campagne plus ou moins volantes qui équiperont par la suite toutes les armées en guerre. Les hommes constituant à cette époque le corps de Santé‚ étaient de deux origines:

- De grands personnages que le Roi chargeait de l'organisation des hôpitaux en campagne, c’étaient des praticiens célèbres qui trouvaient à la guerre un champ d'expérience pour exercer leur talent et faire de nombreuses observations, car à cette époque il n'y avait de véritable chirurgie que celle pratiquée aux armées.

- Les héritiers des barbiers "véritables sangsues du soldat" tout juste capables d'assurer les premiers soins qui étaient eux au contact des troupes.

En fait l'institution officielle du Corps de Santé militaire date du 17 janvier 1708, sous le règne de Louis XIV, où l'on voit l'installation de cadres permanents entretenus par L’État pour assurer le Service de Santé aux Armées. Ces cadres furent les mêmes personnages qui avaient fait les campagnes précédentes.

En définitive, ce sont les règlements promulgués entre 1747 et 1780 qui donneront un caractère de plus en plus militaire aux médecins et chirurgiens employés aux Armées.

Toutefois ces chirurgiens et médecins des armées ne se mêlaient que très exceptionnellement aux troupes lors d'une bataille; le plus souvent, ils assistaient les blessés dans l’hôpital se trouvant dans la ville la plus proche du lieu des opérations.

On verra exceptionnellement une ambulance improvisée en rase campagne lors de la célèbre bataille de Fontenoy et c'est seulement au cours de la première campagne de la Guerre de Sept ans que l'on vit enfin publier l'ordonnance initiale réglementant d'une manière officielle la tenue des chirurgiens attachés aux armées.

La guerre moderne venait de naître et avec elle la chirurgie de bataille. Il ne convenait plus seulement de faire accompagner les troupes par des praticiens qui exercent surtout dans les hôpitaux des places, l'assistance médicale immédiate, sur le champ même des opérations, est devenue nécessaire.

En 1757, les médecins aux armées se virent à leur tour dotés d'un uniforme et c'est à cette occasion que le velours devint la distinctive des Officiers du Corps de Santé Militaire. Enfin le règlement du 1er octobre 1786 créa un uniforme pour les apothicaires les incorporant définitivement dans le Corps de Santé.

Ainsi en 1788, à la veille de la Révolution, l'administration du Corps de Santé‚ était enfin minutieusement organisée dans tous ses détails par les différents règlements émanant du Conseil de la Guerre, les trois professions de l'art de guérir aux armées font intégralement partie du système militaire; il aura fallu attendre exactement quatre-vingt ans depuis sa création pour en arriver à un corps de Santé Militaire comportant trois éléments distincts: le service des hôpitaux, avec ses médecins, chirurgiens et pharmaciens, le service de l'armée, à l'échelon de l'état-major, avec médecin, chirurgien et pharmacien en chef, sous la direction duquel fonctionnent les ambulances du champ de bataille; à l'échelon divisionnaire enfin, les médecins attachés aux régiments, avec éventuellement plusieurs aides.

Il est normal de rendre hommage à tous ces hommes du service de santé, qui par leur compétence, essayèrent de soulager la misère du soldat pendant la révolution et l’Empire. Pensons aussi à tous ces blessés et morts qui donnèrent de leur sang et de leur vie. Ce service de santé militaire sera toujours, au cours des guerres de la Révolution et de l’Empire, l’un des parents pauvres des armées. Au premier Empire il se trouvait entre les mains de l’administration et va souffrir lui aussi.

Malgré toutes les carences qui pourraient lui être reprochées, Le corps médical de l’armée française restera le plus efficace de toutes les armées avec des grands noms comme Desgenettes, Larrey, Percy, Heurteloup, Parmentier, Corvisart, Coste, Yvan. Pour ne citer qu’eux sans dévaloriser les moins connus qui ont oeuvré dans des conditions minimales pour le bien des soldats.

Les soldats reconnaissant disaient d’eux : « Les docteurs se sont toujours intéressés à nous, ils ne nous ont fait que du bien », ou : « l’honneur passe parmi nous » en voyant Larrey passé dans les rangs.

Par contre Percy s’exclamait ; « Oh ! Détestable administration » devant les carences du service de santé.

Ce service ne pourra pas répondre aux immenses besoins qui vont se poser pendant les années de guerre de 1805 à 1815.

Les guerres de cette période furent extrêmement meurtrières, du fait des blessures effroyables causées, des épidémies de typhus.

   





Procéder à l’analyse des blessures reçues par des officiers généraux ou supérieurs ne relève pas d’une approche élitiste de la guerre.

La fiche d’un homme de troupe souvent limitée à un nom et un matricule.

     D’autre part, dans les batailles du temps, les officiers face aux objets vulnérants sont autants, sinon plus exposés que leurs hommes.

 

 

Causes de blessures

Localisation

Balle

À la tête, à la cuisse, dans la poitrine, à l’oreille, dans le côté, genoux, chevilles

Jambe fracassée ou cassée

 

Coup de sabre

Aux bras, sur le col, à la tête, aux cuisses, aux poignets, aux mains, au cuir chevelu, aux épaules

Biscayen

Aux cuisses, mâchoire fracassée, aux jambes, aux bras

Coup de boulet

Aux cuisses, aux pieds, pleine poitrine

Coups de baïonnettes

Avant bras et jambes

Coup de mitraille

 

Eclat d’obus

 

Coup de lance

Tête, bras et jambes

 
 
 

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