Le service de santé sous la révolution   



La désorganisation révolutionnaire. (1792-1799)

 

            La Révolution n’oublie pas le service de santé et va provoquer, avec la levée en masse et les bataillons de volontaires,

 le recrutement hâtif de praticiens civils, afin de pourvoir chaque bataillon d'un médecin-chirurgien et l'on fermera les yeux

sur les titres de chacun d'eux: étudiants en médecine, ou "opérateurs" empiriques.

           Ces hommes certainement plein de bonne volonté étaient occupés à plein temps sur les champs de bataille portant

secours aux nombreux blessés, les circonstances permettaient peu de s'occuper des malades si ce n'est des galeux,

qui étaient isolés dans la mesure du possible.

          Les médecins étaient resté jusqu’en 1789 étrangers aux affaires publiques, mais chacun se trouve mêler

de gré ou de force aux événements.

          Avant la révolution, la campagne française était parcourue par des empiristes, médecins ambulants qui

proposaient des thérapies suspectes ou des médicaments de leur fabrication.

Trop souvent ces personnages échappaient au système officiel.

Rapidement les charlatans usèrent des facilités du droit de l’époque pour abuser les malheureux auxquels ils présentaient

leurs remèdes miraculeux.

          Délivrée de l’apocalypse des pestes et des grandes famines, la France fut le théâtre d’épidémies locales sévères

qui dépeuplaient en quelques mois un hameau. On trouve ces maladies sous les noms de fièvres catarrhales,

intermittentes, continues, malignes ou putrides, de flux de ventre ou dysenterie.

          Des chercheurs modernes ont réussi à reconnaître dans ces maladies des dysenteries bacillaires, les fièvres typhoïdes,

la variole, la scarlatine et la rougeole. Le typhus exanthématiques, des pneumonies à pneumocoques et même la grippe.

Ajoutons que régnaient aussi à l’état endémique la tuberculose et le paludisme dans de très nombreuses régions.

 

Calendrier Républicain

 

          Le calendrier républicain s’étala du 1er Vendémiaire an I (22 septembre 1792) au 1er Pluviôse an XIV (1er janvier 1806).

Chaque mois n’avait que trente jours. Il était divisé en trois décades de dix jours ; Primidi, Duodi, Tridi, Quartidi, Sextidi, Septidi, Octodi, Nonidi, Décadi. On était obligé de mettre cinq jours intercalaires entre Fructidor et Vendémiaire pour arriver aux 365 jours de l’année.

Les mois sont décrits comme suit :

·        Vendémiaire : 22 septembre au 22 octobre

·        Brumaire : 23 octobre au 21 novembre

·        Frimaire : 22 novembre au 21 décembre

·        Nivôse : 22 décembre au 21 janvier

·        Pluviôse : 21 janvier 1793 an II au 19 février

·        Ventôse : 20 février au 21 mars

·        Germinal : 22 mars au 30 avril

·        Floréal : 21 avril au 20 mai

·        Prairial : 21 mai au 19 juin

·        Messidor : 21 juin au 19 juillet

·        Thermidor : 20 juillet au 18 août

·        Fructidor : 19 août au 17 septembre avec cinq jours de rabiot ou complémentaires du 18 septembre au 22.

 

 

          Une prise de conscience de l’extrême gravité de ces épidémies, toutes nées sur fond de misère, allait se faire jour au

niveau gouvernemental dans la seconde moitié du XVIII siècle.   

          Les statuts de 1699 sur l’exercice de la chirurgie avaient bien tenté de mettre un peu d’ordre en exigeant des dentistes

par exemple. Ces charlatans qui furent une véritable plaie de l’ancien régime.

Mais que pouvait-on faire lorsqu’ils avaient réussi à obtenir l’autorisation des juges de police.

Il faut attendre l’arrêt du conseil d’état du 3 juillet 1728 pour enfin voir les autorités prendre des mesures.

          L’enseignement de la médecine avait été réglementé en 1770 par Edit de Marly. Mais dans la réalité, il n’existait encore ni uniformisation de la durée et du contenu des études, ni relèvement réel du niveau.

          De 1770 à 1800, Paris a été la capital scientifique du monde, tant au point de vue théorique qu’au point de vue technique.

         Les facultés de médecine restaient nombreuses. Deux grandes à Paris et Montpellier et une vingtaine de moyennes et de petites.

          La formation des chirurgiens, souvent issus de milieux modestes, ne sachant souvent que lire et écrire,

accomplissaient un apprentissage purement pratique sur le tas.

Un simple examen oral leurs permettaient d’exercer.

D’autres, après des études classiques poussées, débutaient par une formation pratique chez un maître en chirurgie,

puis la complétaient par des cours d’opérations, d’anatomie, etc…

Après six à sept ans d’études, ils se présentaient enfin au grand chef d’œuvre. C’est-à-dire à toute une série d’examens

et présentaient une thèse.

          Il serait anormale de ne pas rappeler qu’à coté des acteurs de la révolution, d’autres se tenant à l’écart ne firent

pas moins preuve de patriotisme.

          Citons l’exemple dans la personne de François Coste. Il a assumé des postes importants confiés comme médecin

en chef d’armée, mais avait déployé naguère des talents de premier ordre. Remplissant les périlleuses fonctions de Maire.

          Comme première conséquence du principe établi par la République, le service de santé doit être composé des hommes les

plus éclairés et les plus dignes de confiance que le pays puisse fournir.

          A cette époque, l’officier de santé devient partie intégrante de l’armée mais se voit refuser les avantages accordés

aux combattants. Malgré cela le nombre d’officiers de santé ne pose pas de souci dans le début de la révolution.

          En 1793, on comptait 2570 médecins ou chirurgiens. Ils passent à 8000 en 1794. Il suffisait que le candidat justifie

une année d’étude au moins.

           En 1792, il est établi qu’ils soient à la suite des armées du Nord, de la Meuse et du Rhin, des hôpitaux ambulants

pour le traitement des soldats malades. A l’ambulance de chacune des trois armées, on trouve un équipage avec

des employés, ouvriers et charretiers et d’une moyenne de quarante caissons.

           Au moment de l’envahissement des frontières par la première coalition, l’assemblée législative décrète

l’organisation d’hôpitaux sédentaires et ambulants pour le service des armées.

Larrey, qui sert à l’Armée du Rhin, constate déjà les carences du service de santé.

Manquant souvent des objets les plus indispensables, les chirurgiens sur un champ de bataille utilisaient tous les moyens

qui se présentaient à lui. Un morceau de linge était utilisé comme charpie, en bandage ou en compresses.

Un simple bistouri lui servait à faire n’importe quelle incision.

          Le décret du 7 août 1793 organise le service de santé des armées et des hôpitaux militaires.

Il est attaché à chaque armée un premier médecin, un premier chirurgien et un premier pharmacien.

Le nombre des officiers de santé est déterminé par le conseil central.

Chaque demi-brigade ainsi que chaque régiment aura un seul chirurgien-major et un chirurgien de bataillon.

Tout hôpital consacré en exclusivité aux troupes de la république sera un hôpital militaire.

          A la suite de chaque armée et des divisions, des hôpitaux ambulants et sédentaires seront établis.

          Il est formé à cette époque deux classes de médecins, trois classes de chirurgiens et trois classes de pharmaciens,

ainsi qu’un corps d’infirmiers pour chaque armée.

          La loi du 3 ventôse an II (21 février 1794) donne les bases du service de santé et des hôpitaux de la République.

Il Est attaché à chaque armée un chirurgien, un médecin et un pharmacien en chef ou deux selon la force de l’armée.

 

Il y a quatre catégories d’hôpitaux :

1.     Les hôpitaux militaires séparés en deux catégories. Les hôpitaux fixes pour les malades de toutes armes qui eux même

sont distingués en hôpitaux de 1ère, 2e et 3e classe selon les garnisons. Et les hôpitaux ambulants qui suivent l’armée.

2.     Les hôpitaux d’instruction.

3.     Les hôpitaux pour les vénériens et les galeux.

4.     Les hôpitaux d’eaux minérales pour le traitement des militaires et des civils.

         Dans tous ces hôpitaux, les officiers de santé sont répartis en trois classes de chirurgiens, trois de pharmaciens et

une de médecins. Un corps d’infirmiers est organisé pour chaque armée qui est partagés en deux classes.

          L’administration des hôpitaux est confiée à des citoyens comptables et salariés.

          Pour la première fois, il est précisé que les prisonniers de guerre recevront dans les hôpitaux les mêmes soins

que les autres malades ou blessés.

          Seul restait un problème d’envergure, celui de l’évacuation des blessés des champs de bataille.

Souvent les chirurgiens se rendent sur les lieux des combats pour des premiers soins importants, à la mise en sureté des blessés

et organisent leurs transports.

          Les chirurgiens devaient se servir des moyens  de transport trouvés sur place.

           C’est à cette époque que Larrey, jeune chirurgien inaugura son ambulance volante.

          Après une bataille des plus meurtrières, les ambulances volantes rendirent de si grand service que Larrey reçut les félicitations des représentants en mission auprès de l’armée de Custine.

          Par une loi du 27 messidor an II (27 juin 1794), la dénomination de chirurgien-major est supprimée pour devenir des officiers de santé de 2e classe. Ceux connus sous le nom d’élèves sont des 3éme classe.

 

           Il me parait important le nombre d’officier de santé mort à cette époque. Neuf cent officiers de santé depuis le début des guerres, en trois mois et demi.

           Du 19 prairial an II au 1er  vendémiaire an III, cela représentait 545 officiers de santé, dont 104 médecins, 319 chirurgiens et 122 pharmaciens.

 

          La loi du 12 pluviôse an III (12 janvier 1795), réorganise la commission de santé qui portera le nom de conseil de santé. Il est composé de quinze membres.

          Cinq médecins qui sont Coste, Lepreux, Lorents, Sabathier de Brest et Becu.

          Cinq pharmaciens, Bayen, Parmentier, Hego, Pelletier, Brougniard.

          Cinq chirurgiens, Heurteloup, Villars, Groffier, Saucerotte, Ruffin.

           Le 25 ventôse an IV (15 mars 1796), un arrêté du directoire exécutif supprime le conseil de santé et est remplacé par six officiers de santé.

          Avant la campagne d’Italie, l’effectif des hôpitaux de l’armée s’élevait à 25000 hommes.

          Le paludisme et le mal de Naples sévissaient. La dysenterie et le typhus frappaient également. Larrey ordonna que les blessés soient transférés dans des locaux adéquats. L’alimentation fut surveillée.

          Il améliora son ambulance volante désignée sous le nom de centurie et composée de trois divisions ou décuries.

Chaque division avait douze voitures légères pouvant transporter quatre blessés.

          Le 5 germinal an IV (25 mars 1796), un autre arrêté crée des inspecteurs de santé des armées de terre. Les six officiers de santé auront le titre d’inspecteurs de service de santé des armées de terre ;

          Une nouvelle organisation est donnée au service de santé le 30 floréal an IV (19 mai 1796) pour l’organisation, l’administration et la police des hôpitaux militaires.

A compter de cette époque, les hôpitaux deviennent permanents ou provisoires qui eux sont à la suite de chaque armée.

          Le principal corps de l’ambulance suivra toujours le quartier général de l’armée. Chaque division ou colonne sera suivie d’un ou de deux détachements d’ambulance. Aux avant postes et à la suite des petits corps sera affecté des subdivisions d’ambulance. Il y aura une ambulance volante par armée composée de quatre infirmiers et d’un caisson attelé de quatre chevaux qui contient six couvertures, deux brancards, une caisse d’instrument de chirurgie, des bandes, de la charpie et quelques provisions.

          Ce texte est le plus important pour l’organisation du service de santé dans la période 1792-1799. C’est à cette époque, à l’armée du Rhin, que Percy propose aux chirurgiens d’utiliser un moyen de transport appelé Wurtz, cette voiture légère sur laquelle dix individus se tiennent à califourchon sans être gênés.

           Percy se fait généralement honneur de l’emploi systématique de l’eau dans le traitement des plaies.

Or, c’est  à Lombard qu’en revient le mérite. Lombard signale les avantages de l’eau froide dans les entorses, les hémorragies, les fractures compliquées.

           Percy écrit : «  C’est principalement dans les plaies avec déchirement des membranes, des aponévroses, des tendons que l’eau a le plus d’efficacité ».

           Le 22 germinal an V (11 avril 1797), le ministère de la guerre approuve le traité pour le service de l’ambulance des hôpitaux militaires, des effets d’habillement, équipement et campement, et pour celui des parcs et bataillons dans toutes les armées de la République.

           La loi du 11 frimaire an VI (1er décembre 1797), fixe le traitement des officiers de santé.

           Le 19 pluviôse an VI (7 février 1798) un arrêté du Directoire exécutif, réglemente le service de santé de la marine et des armées navales. Les officiers de santé de la marine sont classés comme chirurgiens-majors de vaisseaux, les médecins de la 1ère classe, les aides-chirurgiens, pharmaciens de 2e classe. Les sous-aides chirurgiens et pharmaciens de 3e classe.

          La grande loi du 23 fructidor an VII (17 octobre 1799) prévoit la solde et l’organisation des officiers de santé comme suit. Sept inspecteurs généraux, huit officiers supérieurs, 12 officiers en chefs, 25 professeurs, 50 médecins, 120 chirurgiens et pharmaciens de 1ère classe, 130 de 2e classe, 700 de 3e classe. Pour un total de 1907 hommes.

          Malgré toutes les tentatives apportées pour améliorer le service de santé, il reste très en-dessous de ce qu’il devrait être.

          Percy note qu’en 1799, il est angoissé au spectacle des blessés jetés sur les chariots sans escorte, mourant de froid par manque de couvertures, et qu’ils sont nus ou couverts d’habits mouillés de sang.

          A défaut d’hôpitaux, les blessés étaient répartis dans les couvents ou abbayes, où ils étaient soignés et nourris par des moines, ou entassés dans des salles où ils succombent en grand nombre. Favorisés ceux qui trouvaient asile dans ces infirmeries improvisées.

 

 


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